Nebraska Indians Baseball Team
De 1897 aux années 1920, les Nebraska Indians vont proposer l’un des baseball les plus enthousiasmants de la Dead Ball Era. Durant plus de 20 ans, cette équipe itinérante, composée majoritairement de joueurs amérindiens, va démontrer de grandes capacités sportives tout en luttant contre la discrimination raciale. Elle va également se retrouver l’égale des Wild West Show comme celui du célébrissime Buffalo Bill Cody. Plus que du baseball, elle va offrir un spectacle à cette Amérique qui découvre ou redécouvre ceux qu’elle a chassé de leurs terres ancestrales et qui reviennent sur le terrain favori de cette Amérique jeune et conquérante, celle du National Pastime, le baseball. Guy Wilder Green est un tout récent diplômé en droit de l’université du Nebraska quand, en juin 1897, il crée l’équipe de baseball des Nebraska Indians. Green, brièvement outfielder de l’université de l’Iowa en 1892, joue par la suite pour sa ville de Stromsburg dans le Nebraska. Durant l’été 1896, son équipe rencontre celle de la Genoa Indian Agricultural and Industrial School, l’une des nombreuses écoles tribales, ou Indian Boarding Schools, que le gouvernement a ouvert afin d’intégrer les amérindiens à la civilisation américaine (entendre par là à celle des fameux WASP pour White Anglo-Saxons Protestants).
Grâce à deux livres que Green a écrit sur les Nebraska Indians (The Nebraska Indians : A Complete History en 1900 et Fun and Frolic With An Indian Ball Team en 1907), on sait qu’il a repéré à ce moment là le double potentiel des amérindiens dans le baseball. Ils étaient de bons joueurs avec de vraies qualités athlétiques et techniques. Et surtout, ils attiraient la curiosité. Des indiens jouant au baseball, voilà quelque chose de peu commun. Au moment où les Wild West Show comme ceux de Buffalo Bill connaissaient un grand succès, notamment en y montrant de vrais indiens, Green y entrevue une très belle affaire.
Son diplôme en poche, Green se met en tête de recruter une douzaine de joueurs dans des écoles tribales ainsi que dans les réserves des tribus Omaha et Winnebago. Il fait aussi jouer ses contacts au sein de l’université du Nebraska, l’idée étant que l’équipe soit composée de neuf amérindiens et de trois non-amérindiens, de bons joueurs locaux et/ou des lanceurs talentueux. Son recrutement ne plaît pas à tout le monde. Les écoles ne sont pas enchantées de perdre leurs meilleurs joueurs et les agents gouvernementaux gérant les réserves ont peur que Green abandonne ses joueurs loin de leur réserve si cela ne fonctionne pas.
Le 20 juin 1897, son équipe est constituée et joue son premier match. Les Nebraska Indians commencent par une lourde défaite 12-0 à Wahoo. Le 21, nouvelle défaite 10-5 toujours contre Wahoo dont l’équipe est menée par le futur Hall of Famer, le lanceur Sam Crawford. L’équipe est en rodage, certains joueurs étant arrivés le jour même du premier match. Le 22 ou 23, contre Fremont, une excellente équipe, ils gagnent le premier match d’un double-header 4-3 avant de perdre le second 10-7. Malgré une défaite dans le second match, la dynamique de victoire est lancée.
Green embauche Sam Crawford pour les prochains matchs. Le 25, l’équipe commence à montrer ses talents en gagnant contre l’université du Nebraska 18-12. Les Nebraska Indians vont ensuite enchaîner les victoires durant de très nombreuses saisons face à des équipes amateurs, universitaires, semi-professionnelles ou des ligues mineures. Les Nebraska vont jouer dans de nombreux États jusqu’à New York ou le New Jersey. Bien sûr, toutes les équipes affrontées ne sont pas au niveau. Ils gagnent contre Fort Madison 40-4 (Iowa) en 1898 ou encore 34-0 contre Mystic (Iowa) en 1905, par exemple.
Mais ils affrontent aussi de très bonnes équipes. Ils s’opposent régulièrement à des équipes universitaires du Nebraska, de l’Iowa, du Kentucky et de l’Indiana ainsi qu’à des équipes de ligues mineures, notamment celles de la Lincoln’s Western League. En 1908, ils jouent huit matchs d’exhibition contre les équipes de ligues mineures de la Kentucky’s Class D Blue Grass League. Ils finissent la série avec une fiche de 7 victoires pour 1 défaite. On ne sait que peu de choses sur les résultats de l’équipe après 1914, mais de 1897 jusqu’à cette année là, les Nebraska Indians établirent une fiche connue de 1237 victoires, 336 défaites et 11 égalités. En 1906, leur taux de victoires est de .901 avec .786 de moyenne durant ces années.
Le succès est tel que Green tente en 1906 de reproduire le concept en surfant sur la tournée de l’université de Waseda en Californie et monte une équipe, les Green Japanese of Nebraska, avec certains joueurs de Waseda. Mais sans succès cette fois-ci.
En fait, seul un type de baseball rencontré résiste aux Nebraska Indians : le jeu des Negro Leagues. Les Nebraska Indians trouvent dans des équipes comme les Cuban X-Giants, les Philadelphia Giants, les Algona Brownies de l’Iowa ou les Columbian Giants de redoutables adversaires qui les dominent. Il faut dire qu’à cette époque, ces équipes de Negro Leagues sont aussi bonnes voir souvent meilleures que les équipes de MLB. De très grands joueurs y évoluent comme les Hall of Famers Rube Foster et Henry « Pop »Lloyd mais aussi un certain Charlie Grant alias Chief Tokohama (voir plus bas). De plus, le baseball des Negro Leagues et des Nebraska Indians est similaire que ce soit à la batte ou pour les courses sur base par exemple. Les amérindiens n’ont alors plus cette supériorité athlétique et stratégique qui leur permet habituellement de dominer leurs adversaires. Les Negro Leagues évoluant à un meilleur niveau professionnel, leur supériorité est logique. Ce qu’admet Green sans problème d’ailleurs.
Green préfère généralement éviter les villes où sévissent des équipes de ligues mineures, ayant peur de voir ses meilleurs joueurs partir dans ces clubs. Et effectivement, il arrive que des équipes offrent des contrats aux talentueux joueurs amérindiens. L’un d’eux, le seul d’ailleurs, arrivera même sur la plus belle scène du monde, les terrains des Ligues Majeures. Il s’agit du lanceur George Howard Johnson, de la tribu des Winnebago. Quand Green racheta l’équipe de ligues mineures de Lincoln en 1907, il offrit d’ailleurs un contrat à Johnson. Il lui arriva d’ailleurs souvent d’échanger ses propres joueurs entre ses deux équipes.
Johnson parvint en Ligue Majeure en 1913 avec les Reds de Cincinnati qu’ils quittent courant 1914 pour rejoindre les Kansas City Packers jusqu’en 1915. Il finit sa carrière dans le Show cette année-là avec une fiche de 40 victoires pour 43 défaites et 2.93 d’ERA. Comme tout amérindien dans le baseball majeur, il prit le surnom de Chief Johnson. Assez étrangement, alors que la Color Line barrait la route de la MLB aux joueurs non blancs, les amérindiens y étaient acceptés. Et certains y firent même de belles carrières comme Charles Albert « Chief » Bender, qui sera introduit au Hall of Fame, ou le super athlète Jim Thorpe. Cette exception permettait à certains joueurs noirs de tenter leur chance en MLB comme ce fut le cas avec l’incident Chief Tokohama où le célèbre manager des New York Giants, John McGraw, tenta de faire passer le talentueux Negro Leaguer Charlie Grant pour un amérindien. Mais sans succès.
George Howard "Chief" Johnson
Pourquoi les amérindiens pouvaient-ils jouer dans le baseball organisé ? Certains experts estiment que le racisme à l’encontre des noirs était uniquement liée à la « race » donc à un aspect biologique. Une différence indépassable. Pour les amérindiens, la racisme avait une dominante plus culturelle et donc plus acceptable. On peut aussi penser que les amérindiens avaient pour eux le fait d’être les habitants originels du pays. Enfin, ils étaient une attraction, contrairement aux joueurs noirs. Le simple fait de leur présence pouvait amener le public au stade. Alors que la MLB et son organisation de ligues mineures étaient jeunes, c’était un plus important pour le business.
Mais si les amérindiens pouvaient jouer jusqu’en MLB, ils restaient tout de même victimes du racisme ordinaire de l’Amérique blanche. En MLB, les amérindiens subirent une intégration similaire à celle de Jackie Robinson en 1947. Et les Nebraska Indians n’échappent pas à ce vil phénomène dans le cadre de leurs tournées. Les incidents sont trop nombreux pour être tous cités. Cela peut aller des clichés et préjugés relayés dans la presse aux agressions physiques tout en passant par les moqueries et insultes dans les stades.
Dans les stades, en ville ou dans les journaux locaux, les termes « sauvages » et « peaux-rouges » sont monnaie courante comme le fait d’imiter les danses de la pluie ou de la guerre, d’inventer des noms indiens ridicules et de demander aux joueurs de retourner dans leur réserve. Ils sont aussi accusés de divers méfaits. À Murphysboro, dans l’Illinois, une mère hystérique appelle la police car les « hommes rouges » auraient kidnappé son enfant. En Pennsylvanie, le manager des Lancaster Actives accuse l’un des joueurs amérindiens d’avoir volé son gant à 75 cents. À Center Point, dans l’Iowa, le Maire rassemble un important dispositif armé pour surveiller le campement des Nebraska Indians afin que la bonne population puisse dormir tranquille. À Collinsville, Illinois, les joueurs demandent leur direction. Ils sont mis en joue et amenés à la prison locale où ils y passent la nuit. Un fan alcoolisé de Plymouth, dans l’Indiana, va jusqu’à descendre sur le terrain pour en découdre avec le champ gauche… qui le met KO proprement.
Actuellement, des tribus indiennes demandent aux Cleveland Indians de changer leur emblématique logo
Bien entendu, les décisions arbitrales douteuses sont toutes aussi courantes de la part des officiels locaux. Le capitaine de l’équipe, Roberts, est même menacé d’un couteau par un arbitre alors qu’il conteste sa décision. Green comprend qu’il lui faut son propre arbitre. Mais même son propre arbitre doit parfois plier face à la violence adverse. Ainsi son arbitre du nom d’Olson doit changer son appel d’une balle « fair » à « foul ball » après avoir été menacé avec des couteaux par des fans locaux.
Les joueurs subissent. Ils ne sont pas ravis de cette situation éprouvante alors que les conditions de vie sont déjà pénibles comme pour tout joueur de baseball itinérant. Mais ils font de leur mieux pour accepter cette situation. Ils sont payés pour jouer au baseball. Un salaire assez maigre certainement au vu des standards de l’époque – le salaire exact des Nebraska Indians n’est pas connu – au vu des conditions de vie. Les voyages en train ou en car Pullman, où ils passaient souvent la nuit avant un match, sont quasi-quotidien. Il n’est pas rare que Green arrête un match avant la fin afin que l’équipe attrape le train, parfois encore en tenue, vers le lieu de leur prochain match. Mais cela reste tout de même une chance. Les jeunes amérindiens sont aussi très heureux de sortir de la réserve et de visiter le pays. Plus que le salaire, ils rejoignent les Nebraska Indians pour l’aventure, échappant à la dure vie des amérindiens au sein des réserves.
Cependant, si Green admire la retenue de ses joueurs face aux discriminations et aux conditions de tournée, il joue aussi allègrement avec les clichés afin d’assurer son business. L’idée est d’aller dans les petites villes amener un peu de folklore indien, une « race en voie de disparition » comme on la considère à l’époque. En effet, les Wild West Show ne s’arrêtaient que dans les grandes villes. Les petites villes étaient en quelque sort en manque de sensations du Far West. Ainsi, les Nebraska Indians prennent l’habitude de camper sur les terrains de baseball, recréant en quelque sorte les villages indiens et leurs tepees. C’est à la fois un show mais aussi une nécessité, nombre d’hôtels refusant les amérindiens. Selon Green, ses joueurs y étaient de toute manière nerveux et se sentaient mieux dans cet environnement familier.
Bien entendu, l’utilisation de costumes amérindiens traditionnels font partis du spectacle tout comme ceux de clowns. Il n’est pas rare que l’équipe soit surnommée « le cirque itinérant du baseball ». Les Nebraska Indians aiment faire le show autant sur qu’aux abords du terrain. Avant le « Pepper Ball » de la Maison de David ou la « Shadowball » des Kansas City Monarchs, les Nebraska Indians amusent le public local avec divers spectacles. Par exemple, Green organise souvent des courses entre les athlètes locaux et ses meilleurs coureurs, courses qui s’accompagnent de paris. Mais c’est sur le terrain que les Nebraska Indians se montrent le plus inventif. Régulièrement, Green demande à chaque joueur sur le terrain de se succéder sur le monticule pour une manche.
En 1897, il embauche les frères jumeaux Keeler. L’un de leurs tours préférés est le suivant. L’un des frères est coach de 3ème base. Quand le frère jumeau arrive en 3ème base, ils se tiennent si proches que les receveurs tentent souvent d’éliminer le mauvais jumeau, celui qui coache. Durant la tournée dans l’Illinois de 1904, Green souhaite se venger de la petite ville d’Illiopolis qui les a battu deux fois en 1903. Il fait de son talentueux lanceur Dan Tobey un clown, ce qui n’est pas pour déplaire à ce joueur showman. Arrive le match. Alors que Green discute avec le manager adverse, Tobey débarque en « clochard » avec une tenue de clown dans son cartable, se lamentant d’avoir été viré de son cirque. Il sait lancer et aimerait être embauché. Le manager d’Illiopolis refuse net, « ne voulant pas faire le signe avec quelque clochard ». Mais Green, ému par cette attristante histoire, décide de lui donner sa chance. Durant cinq manches, Tobey, habillé en clown, éteint totalement l’attaque adverse. Puis il finit par se défaire de sa tenue clownesque et expose à la foule son jersey des Nebraska Indians. Un rugissement retentit dans les tribunes. Le public vient de comprendre la supercherie. Les Nebraska Indians l’emportent 11 à 2. Et Green crée une carte postale de Tobey en clown afin de la vendre et de maximiser les profits sur cette victoire.
Tobey fait le clown
Cette aspect merchandising de Green perdure quand il vend l’équipe aux frères Beltzer en 1991 ou 1912. Ces derniers font éditer des cartes postales de l’équipe, en tenue d’indiens, entre 1912 et 1914. Il faut dire que les frères Beltzer sont déjà dans le business. Oran « Buck » Beltzer est le capitaine de l’équipe de baseball de l’université du Nebraska. En 1908, suivant l’exemple de son aîné Green, il fonde les Oxford Indians avec des joueurs sioux et des non amérindiens. Il fait fabriquer des cartes postales de l’équipe en tenue d’indien avec peintures de guerre et tomahawks. Échouant, en 1910, à rejoindre les Philadelpha Athletics en MLB, il rejoint les Nebraska Indians qu’il rachète ensuite avec son frère James.
Les deux frères conservent l’équipe jusqu’en 1917, année où ils la vendent, sans que l’on connaisse le nouveau propriétaire. Il semble que les difficultés dues à l’engagement des États-Unis dans le Première Guerre Mondiale ont fait diminuer l’affluence à leurs matchs et leur couverture médiatique. Néanmoins, les Nebraska Indians vont continuer à jouer jusqu’au début des années 1920. Ainsi, on les signale dans le New Hampshire en 1923.
En plus de la guerre, les Nebraska Indians ont certainement fait face à une plus rude concurrence. Green et son équipe ont en effet ouvert la voie à de multiples équipes amérindiennes itinérantes des John Olson’s Cherokee All Stars (1904-1912), qui eurent une femme comme lanceuse en la personne de Maude Nelson jusqu’au Ben Harjo’s Oklahoma Indian en 1933, où joua brièvement Jim Thorpe. En plus de ces équipes itinérantes, il existait de nombreuses excellentes équipes au sein des tribus indiennes comme les Chippewa de White Earth dans le Minnesota (tribu d’où est issu « Chief » Bender) ou les Winnebagoo de Walthill dans le Nebraska.
Si les célèbres explorateurs Lewis et Clark ont tenté d’apprendre une version ancienne du baseball à la tribu des Nez Percés lors de leur expédition légendaire de 1804-1806 à travers l’Amérique du Nord, c’est plus tard que les amérindiens vont s’approprier réellement le baseball. Comme vu plus haut, le baseball, comme les religions chrétiennes ou encore l’éducation occidentale, va être utilisé comme élément « civilisateur » des sauvages. Après tout, le baseball est le Passe-Temps National, une création de la jeune Amérique, un élément unificateur de la culture américaine après la guerre de sécession. Et les amérindiens n’auront aucun mal à s’approprier ce jeu.
La culture du jeu est solidement ancrée dans la tradition amérindienne, le plus connu étant le lacrosse. Les amérindiens ont donc une riche et ancienne tradition sportive. Contrairement à la culture sportive des colons, qui perdure aujourd’hui, où l’uniformisation des règles est indissociable de la compétition, les amérindiens pouvaient, pour un même jeu/sport avoir de multiples règles entre les tribus voir même au sein d’une même tribu. L’activité sportive conjuguait des pratiques ludiques et rituelles, parfois politiques, où on développait le corps et l’esprit. La compétition était importante, car source de plaisir pour le vainqueur, mais ce n’était pas un objectif unique.
Le Lacrosse est le jeu le plus connu de la tradition sportive amérindienne
Cependant, il existait de nombreuses variations d’une tribu à l’autre. Certaines mettaient l’accent sur la participation de tous – donnant lieu à des parties pouvant rassembler des centaines de participants sur des parties s’étalant sur toute la journée sur des superficies de plusieurs kilomètres -, d’autres sur la victoire. Quand le baseball débarqua dans la culture sportive indienne, ils durent faire face à un sport aux règles uniformisées. Mais certaines tribus s’approprièrent le baseball comme les Ojibwé (ou Chippewa), qui abandonnèrent progressivement le lacrosse. Ces derniers ont d’ailleurs développé un lexique très élaboré sur le baseball ou bkwaakdoked, littéralement « s’occuper de balles ». Autres spécificités du baseball amérindien : comme dans les jeux traditionnels, les bases sont orientées selon les quatre points cardinaux et les courses sur base sont calquées sur celle du soleil.
Jouer sans les mains, à l’aide de bâtons, est solidement ancré dans la culture ludique, sportive amérindienne. Les amérindiens sont de vrais athlètes, tant par leur style de vie que leur pratique sportive. S’acclimater aux fondamentaux du baseball n’est donc pas le plus compliqué. En revanche, s’adapter à la manière de jouer des « hommes blancs » avec leurs règles et leurs objectifs impératifs de victoire, notamment dans un cadre professionnel, n’est pas toujours simple. De plus, le baseball enseignait par les colons au sein des Indian Boarding Schools s’apparente plus à un ethnocide. Il faut « détruire l’indien pour sauver l’homme » disait le capitaine de l’US Army Richard Henry Pratt, qui fonda en 1879 la première école du genre, la Carlisle Indian Industrial School de Pennsylvanie. Une école par laquelle passèrent « Chief » Bender, Jim Thorpe et le Nebraska Indians George Johnson.
D’ailleurs, le loi fédérale exigeait que le baseball, comme le catéchisme ou les travaux ménagers, soit enseigné dans ces écoles. Ces écoles, où l’armée envoyait parfois de force les enfants afin de remplir les quotas de la réserve, prolongèrent l’infâme injustice, ou « Destinée Manifeste comme le justifièrent les colons, dont les amérindiens furent victimes. Les conditions de vie y étaient très dures entre les maladies infectieuses, la malnutrition, l’épuisement avec une mortalité des élèves six fois supérieure à celles des autres groupes ethniques du pays. On peut comprendre pourquoi les joueurs de Nebraska Indians pouvaient supporter les conditions de vie de leur équipe itinérante. Ils avaient connu pire. Ces écoles proliférèrent jusque dans les années 1970 avant que les revendications amérindiennes finirent par faire fermer ces écoles, les dernières fermant leurs portes dans les années 90. On estime que 100 000 enfants amérindiens sont passés par les 500 écoles tribales.
Le village des damnés
On sait également que le baseball était pratiqué par les prisonniers amérindiens vers la fin des guerres indiennes (1778-1890). Ainsi, le célèbre chef Apache Geronimo s’adonna au baseball lors de sa captivité au Fort Sill dans l’Oklahoma, qui commence en 1887. Il s’y convertit au christianisme et y devient fermier. Il existe d’ailleurs une drôle d’anecdote sur le sujet. Geronimo se fut proposé un pari pour une course de chevaux, ce qu’il affectionnait. Il souhaita demander à un jeune garçon de monter son cheval. Celui-ci était en train de jouer au baseball et se tenait dans le carré du frappeur. Geronimo ne se soucia pas du jeu et manqua de se faire toucher par la balle du lanceur. Finalement, la balle rencontra plutôt, qu’un vieux chef guerrier, la batte du jeune garçon qui coura en première base. Geronimo, ne connaissant pas les règles, pensa que le jeune garçon essayait de le fuir. Il se mit à courir derrière lui. Le jeune alla de base en base jusqu’au marbre et le vieux chef de guerre le suivit. Un spectacle comique pour les personnes présentes. Finalement rattrapé, le jeune garçon se vit proposer de monter le cheval de Geronimo. Il gagna la course et Geronimo son pari.
Aujourd’hui, Jacoby Ellsbury, Joba Chamberlain et Kyle Lohse perpétuent la tradition sportive des amérindiens au sein du baseball professionnel. Ils sont les trois joueurs en activité en MLB d’origine amérindienne non hispanique. Jacoby Ellsbury des New York Yankees, et qui s’est fait connaître chez les Red Sox de Boston où il a gagné deux World Series (2007, 2013), est le premier Navajo à avoir atteint les Ligues Majeures. Joba Chamberlain a grandi à Lincoln, Nebraska, et est membre de la tribu des Winnebago comme nombre de joueurs des Nebraska Indians. Il joue actuellement pour les Detroit Tigers après avoir commencé sa carrière aux Yankees de New York où il a remporté les World Series 2009. Enfin, Kyle Lohse est également un amérindien vainqueur des World Series. Il les remporte en 2011 avec les Saint Louis Cardinals. Ce membre de la tribu des Nomlaki est actuellement un lanceur des Milwaukee Brewers. Une ville dont le nom est… amérindien.
Sources
Une grande partie des photos sont tirées des scans de la collection de Dan Bretta http://s22.photobucket.com/user/nudan92/library/Nebraska%20Indians%20Baseball%20Team?sort=3&page=1
Squaws, la mémoire oubliée, de Patrice Deval (éditions Hoëbeke, 2014)
Et merci Wikipedia !