Yogi Berra rejoint les légendes éternelles
« Le baseball, c’est 90 % de mental, l’autre moitié c’est physique ».
Cette citation est l’une des plus connues du baseball. Yogi Berra était doué pour les citations. Il a en donné beaucoup au monde du baseball. Il n’en donnera plus. Yogi nous a quitté. Il avait 90 ans. Il était une légende vivante. Il est devenu aujourd’hui une légende pour l’éternité. Lawrence Peter Berra dit "Yogi" était un emblème, celui des Yankees de New York au même titre que Joe DiMaggio, Lou Gehrig, Mickey Mantle, Mariano Rivera, Jorge Posada ou Derek Jeter. Un franchise player. Mais un franchise player dans la plus grande des franchises, les New York Yankees. Il commit bien entendu une petite infidélité pour sa dernière saison, en 1965, chez les rivaux de la Grosse Pomme, les Mets. Mais c’était pardonné, oublié depuis longtemps. Yogi Berra incarne donc les Yankees. Mais les Yankees victorieux, ceux de la gloire éternelle. Il remporta 10 fois les World Series et 14 championnats de l’American League comme joueur des Bronx Bombers entre 1946 et 1963, participant à deux des plus fortes équipes des Yankees et du baseball majeur : les Yankees de DiMaggio puis ceux de Mickey Mantle, ces derniers étant menés par le manager Casey Stengel. Il suffit de voir les noms de ses coéquipiers pour comprendre dans quel environnement évolua Yogi Berra, qui s’imposa comme le receveur de la meilleure équipe de la MLB : Joe DiMaggio, Lefty Gomez, Mickey Mantle, Roger Maris, Whitey Ford, Phil Rizzuto, Johnny Mize…
Yogi Berra et Joe Di Maggio
N’allez pas croire que Yogi Berra était dans leur ombre. Non, Yogi Berra était l’une des lumières incandescentes de ces Yankees qui collectionnaient championnats et World Series mais aussi les titres individuels. Yogi Berra ? C’est seulement 18 participations au All-Star Game de 1948 à 1962 et 3 titres de MVP (1951, 1954, 1955). Yogi faisait parti des meilleurs. D’ailleurs, Bill James démontra, grâce à ses sabermetrics, que Berra fut le meilleur receveur que connut la MLB. Il le classa d’ailleurs dans les 52 plus grands joueurs, non lanceurs, du baseball majeur. C’était un receveur rapide, mobile, adroit, sachant faire ressortir le meilleur de son lanceur. Il commettait peu d’erreur et retirait de nombreux joueurs sur base. Il menait régulièrement l’American League en coureur retiré sur base, double jeu, pourcentage défensif. Il detient toujours le record de la ligue en putout (8723). Il fut le receveur de Don Larsen quand celui-ci lança le seul match parfait de l’histoire des World Series, lors de l’édition 1956.
Au bâton, il se montrait aussi adroit qu’en défense, pouvant frapper sur l’ensemble de la zone de strike. Il avait un parfait contrôle de sa batte. Un « clutch hitter » qui fit dire à Paul Richards, manager des Chicago White Sox et des Baltimore Orioles que Berra était « l’homme le plus dur de la ligue dans les trois dernières manches ». Cinq fois, Berra frappa plus de homeruns en saison qu’il ne prit de strikeout. En 1950, sur 597 at-bats, il ne fut retiré par strikeout que 12 fois. Si peu de receveurs eurent la chance d’entrer au Temple de la Renommée, Yogi Berra y entra en 1972. Toujours en 1972, les Yankees retire son numéro 8, qu’il partageait alors avec un autre receveur Hall of Famer du Bronx, Bill Dickey. Cette année-là Il devint le manager des Mets avec lesquels il gagna les World Series de 1969 comme coach de 1ère base. Après avoir quitté les Mets en 1975, il rejoint assisté les managers Yankees Billy Martin puis Bob Lemon avec lesquels il conduit les Yankees à deux nouveaux titres en World Series (1977, 1978). Il prendra les rennes de l’équipe, comme en 1964 où il les conduisit au titre de l’AL, de 1984 à 1985, sans le même succès malheureusement. D’ailleurs, le propriétaire de l’époque, George Steinbrenner le vira au bout de la 3ème semaine de la saison 85. Berra déclara qu’il ne reviendrait plus au Yankee Stadium tant que Steinbrenner serait le propriétaire de l’équipe. Mais la hache de guerre fut enterrée quand les Yankees organisèrent un « Yogi Berra Day » le 18 juillet 1999. Pour l’occasion, Don Larsen lui lança le first pitch en mémoire du match parfait de 1956. Ce jour-là, les Yankees recevaient les Expos de Montréal. Le lanceur des new-yorkais était David Cone qui lança… un match parfait.
Cette légende, qui participa sur l’USS Bayfield au Débarquement de Normandie, avait gagné son surnom après que Bobby Hofman, futur joueur et manager de la MLB, indiqua sa ressemblance avec un yogi hindou. Avait-il hérité d’un bon karma pour connaître une si glorieuse carrière ? Il laisse en tout cas un bel héritage au baseball. Car le baseball a aujourd’hui perdu le symbole vivant d’une grande période de son histoire, où les légendes s’affrontaient chaque jour sur le terrain. Mais Yogi Berra restera à jamais l’incarnation de ce que le baseball avait de plus grisant, cette succession d’exploits, de titres, d’humilité et de plaisir enfantin. Une certaine idée de la grandeur de ce jeu. Même s’il nous a quitté, il restera sa légende pour nous inspirer. Et comme il le dit naguère : « It ain’t over till it’s over. » Les légendes ne meurent jamais.