World Series 1916. Babe Ruth, le lanceur marathonien

 
 
Les World Series 2018 se sont récemment jouées entre les Los Angeles Dodgers et les Boston Red Sox. Les BoSox l’ont emporté après une saison époustouflante. C’était seulement la deuxième fois que les deux franchises se croisaient en séries mondiales malgré leur longue histoire. Leur première confrontation en World Series remonte à 1916. Un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître. A l’époque, les Dodgers se faisaient appeler les Robins et ils faisaient battre les cœurs des partisans de Brooklyn. Les Red Sox, eux, n’avaient pas encore été maraboutés par la Malédiction du Bambino. Normal, Babe Ruth n’avait pas encore été vendu aux Yankees, ce qui lui permit de réussir un exploit encore inégalé : lancer et remporter un match complet de 14 manches en World Series. Gaetan revient sur cet exploit et la vie de Babe Ruth.
 
Babe Ruth est considéré comme le meilleur joueur de tous les temps, archétype du joueur parfait, à la fois frappeur de génie et lanceur hors pair. Mais au début de la saison 1916, Babe Ruth est encore un jeune espoir qui commence à percer, après des débuts difficiles dans la vie. 

Une enfance à la Dickens

George Herman Ruth Jr est né à Baltimore le 6 février 1895, dans le quartier le plus malfamé d’une des villes les plus dangereuses des États-Unis, Pig Town. Bien que son père tienne un bar, la famille est plutôt pauvre et vit dans des conditions difficiles. Babe Ruth ne versa jamais dans le misérabilisme et il évoque peu cette partie de sa vie dans son autobiographie. Pourtant, il y a de quoi faire pleurer dans les chaumières. Six de ses huit frères et sœurs n’atteindront pas l’âge adulte. Sa mère agonisera plusieurs années dans un appartement surpeuplé à cause de la tuberculose et sera emportée par la maladie, alors que Ruth a seize ans. Son père ne sera pas non plus très présent, pris par la gestion solitaire de son bar, situé au rez-de-chaussée, auquel il donnera littéralement sa vie, mourant devant, suite à une bagarre au couteau.
 
Babe Ruth a grandi sans réellement connaître les joies de l’amour familial, cultivant selon lui l’art de la bêtise, conduisant son père à le placer à 7 ans dans une école technique pour garçons, la Saint Mary’s Industrial School. D’autres sources prétendent qu’il y fut contraint par les autorités publiques suite à un incident violent dans le bar familial, milieu ne convenant pas à l’éducation d’un enfant. L’établissement cumulait les fonctions d’école privée, d’orphelinat et de maison de correction pour 850 garçons. Une institution en forme de dernier recours pour les enfants rebelles qui affluaient de toute l’Amérique. Babe Ruth allait y passer les douze prochaines années.
 
Une enfance difficile et un corps plus grand que ceux de son âge aurait pu donner naissance à une terreur. Il n’en fut rien. Il était de nature fanfaronne, insouciante et généreuse. Ce placement représenta une vraie chance pour le Babe. Il y grandit dans la dignité, y apprit le métier de tailleur et surtout le baseball. Saint Mary possédait 44 équipes de baseball et un excellent entraîneur, joueur fort habile d’1m98 et 113 kg, le frère Matthias Boutilier. Ce dernier enseigna le baseball au futur Sultan of Swat et Babe Ruth gardera toujours une affection particulière pour son premier entraîneur.
 
Le résultat est que Babe Ruth jouait toujours avec des adolescents de 2 à 4 ans ses aînés, capable de tenir tous les postes mieux que quiconque, notamment celui de receveur, malgré le fait d’être gaucher. À la batte, il n’avait aucun équivalent. Mais quand il fut supervisé par un recruteur des Orioles de Baltimore, qui était une équipe de l’International League et non l’équipe actuelle de la MLB, celui-ci ne fut pas impressionné que ses frappes atterrissent sur un autre terrain. En revanche, ses talents de lanceur étaient plus intéressants à l’ère de la Balle Morte.
 
 
Le Bambino en 1916
 
Il signa donc à 19 ans un contrat professionnel comme lanceur et rejoignit en mars 1914 les Orioles en Caroline du Nord. Ce fut la première fois qu’il prit le train mais aussi qu’il sortit de Baltimore et du Maryland. Une nouvelle vie s’offrait à lui, découvrant les hôtels, les ascenseurs, la joie de commander dans un restaurant, d’user d’une paie – son premier achat fut une bicyclette – et une nouvelle façon de vivre en communauté, apprenant qu’il ne pouvait utiliser la brosse à dent de ses coéquipiers. Malheureusement pour son premier camarade de chambre, le lanceur Ernie Shore, il mit plusieurs semaines à l’apprendre. La plus belle de ses découvertes fut assurément les femmes et le sexe.
 
Son aventure avec l’équipe de Baltimore s’arrêta en juillet quand il fut vendu aux Red Sox de Boston par des Orioles en grandes difficultés financières. Ils devaient faire face à la concurrence des Terrapins de Baltimore, membres d’une éphémère ligue majeure, la Federal League, et capable de remplir leur stade alors que les Orioles jouèrent une fois devant 17 spectateurs seulement.
 
À peine avait-il débarqué à Boston, le 11 juillet, qu’il fut envoyé directement sur le monticule. Il remporta la victoire face aux Cleveland Naps. Son premier match et sa première victoire dans les Majeures furent aussi le premier match de MLB qu’il vit dans sa vie. Chose peu étonnante pour quelqu’un qui découvrit l’existence des Ligues Majeures par ses coéquipiers des Orioles. Ce sont ces derniers qui lui donnèrent le surnom de Babe, caractérisant sa bonne bouille enfantine autant que son innocence.
 
En revanche, il en n’était pas de même à Boston où ses coéquipiers le trouvaient bien trop téméraire pour un rookie. Embauché comme lanceur, ce dernier insistait pour s’exercer aussi à la batte. De plus, même s’il venait de rencontrer sa future première femme, Helen, il aimait profiter de la vie avec d’autres femmes tout en abusant de la nourriture et de l’alcool. C’était un vrai jouisseur, lui qui fut privé de tout ou presque jusqu’à ses 19 ans.
 
 
Malgré de beaux débuts, Babe Ruth ne gagna pas sa place dans la rotation. De plus, le propriétaire des Red Sox, John Lannin, venait d’acquérir l’équipe de ligue mineure de Providence, les Grays. Ayant perdu un lanceur parti chez les Detroit Tigers, il devait contenter les fans locaux avec un nouveau lanceur de talent et son choix se porta sur le rookie de Baltimore. Ruth les aida à finir premier de l’International League puis revînt le 2 octobre lancer en American League, la Ligue Majeure où évoluaient déjà les Red Sox. Ce jour-là, il affronta les New York Yankees, remporta la victoire et frappa son premier coup sûr dans les Big Leagues face à sa future nouvelle équipe, où il brillera de mille feux pour entrer dans la légende. C’est aussi contre eux qu’il obtiendra son premier homerun dans les Majeures en 1915.
 
La saison 1915 commença de manière délicate pour le jeune lanceur des BoSox, surnoms de l’équipe de Boston, mais il finit par obtenir une place dans la rotation et termina la compétition avec une fiche de 18-8 tout en frappant pour .315 et 4 homeruns. Les Red Sox gagnèrent le championnat de la Ligue Américaine et s’en allèrent affronter en World Series les Phillies de Philadelphie du lanceur Hall of Famer Grover Cleveland Alexander, sans que Babe Ruth ne soit appelé sur la butte. Une déception même s’il acquiert cette saison-là une belle réputation de cogneur après avoir balancé un homerun dans la vitrine d’un concessionnaire Chevrolet à l’extérieur du Sportsman’s Park des Saint Louis Browns (qui deviendront les Orioles de Baltimore en 1954). Néanmoins, même sans les lancers du Babe, les Red Sox l’emportèrent en cinq matchs.
 
 
The Sultan of Swat ou The Sultan of Swag ?

The Golden Era des Chaussettes Rouges

En 1916, les Red Sox sont donc l’une des grandes équipes du moment. Ils ont déjà remporté les World Series de 1912 contre les New York Giants du légendaire manager John McGraw. Mais c’est une autre équipe qui donne du fil à retordre aux Red Sox dans la Ligue Américaine : les Philadelphie Athletics, dirigé par un autre manager de légende, Connie Mack. Les A’s participent à quatre séries mondiales entre 1910 et 1914, remportant trois d’entre elles.
 
En plus de ça, les Red Sox, membres fondateurs de l’American League, dont ils partagent l’année de naissance (1901), doivent se faire une place dans le cœur des bostoniens, qui vibrent pour les Boston Braves depuis 1876 et la création de la National Association of Professional Base Ball Players, ancêtre de la National League et de la MLB.
 
Or, en 1914, les Braves remportent, après une saison en mode comeback, leur premier titre en World Series face aux A’s de Philadelphie. Derniers de leur championnat au 4 juillet, ils terminent champions deux mois plus tard, devenant les premiers à réaliser cet exploit en MLB. Puis ils sweepent les A’s de Connie Mack et prennent le surnom des Miracle Braves dans le grand livre du baseball.
 
Avant la création des World Series en 1903, les Braves remportent 8 fois la National League entre 1877 et 1989, faisant de Boston une des places fortes du baseball. Cela dit, ce sont bien les Red Sox qui apportent le plus de titres à la ville de Boston, depuis le début du 20ème siècle, avec trois trophées de séries mondiales dont celui de la première édition contre les Pirates de Pittsburgh d’un certain… Honus Wagner, The Flying Dutchman.
 
1916 sonne comme l’année de confirmation pour Babe Ruth, qui se concentre sur son pitching. Il obtient une place dans la rotation, postant une fiche de 23-12 pour un ERA de 1.75 (leader en American League) avec 9 shutouts, un record pour un lanceur gaucher, qui ne sera égalé qu’en 1978 par Ron Guidry des Yankees.
 
Une aubaine pour l’équipe qui compte surtout sur ses lanceurs pour continuer à performer après une saison 1915 à 101 victoires où ils ont pu compter sur l’habilité offensive et défensive de leur Golden Outfield, le trio formé au champ extérieur depuis 1910 par deux futurs Hall of Famer Tris Speaker et Harry Hooper, ainsi que Duffy Lewis. Considéré comme l’un des meilleurs trios de tous les temps au champ extérieur, le Golden Outfield perd son meilleur frappeur, Tris Speaker, échangé à Cleveland juste avant le début de la saison pour un contentieux sur son salaire avec le nouveau propriétaire des Red Sox, Harry Frazee. Boston conserve néanmoins son franchise player Harry Hooper et le plus habile des trois dans la défensive Duffy Lewis.
 
Le premier est arrivé au club en 1909 et y restera jusqu’en 1920, terminant ensuite sa carrière aux Chicago White Sox. Très bon défenseur au champ droit, il est reconnu comme un clutch player, se montrant décisif pour porter les Red Sox vers la victoire dans les années 1910. Duffy Lewis est également un bon frappeur, se plaçant régulièrement dans le top 10 des stats offensives. Mais sa spécialité reste la défense. Occupant le champ gauche, il doit alors composer avec un monticule devant le Green Monster, surnommé The Wall alors, qui rend les attrapés périlleux. Mais Lewis se distingue par sa capacité à se jouer avec brio et aisance de ce monticule pour assurer ses jeux défensifs, gagnant le surnom de Duffy’s Cliff. Le monticule sera par la suite réduit en 1934 puis disparaîtra en 2004 mais les exploits défensifs de Lewis sont restés dans les mémoires de Fenway Park.
 
Malheureusement, Duffy Lewis connaît une saison 1916 plus commune au bâton et le départ de Tris Speaker prive Boston d’un joueur capable d’approcher les .400 de moyenne à la batte (après avoir frappé pour .322 en 1915, il frappera pour .386 avec Cleveland en 1916). La réussite des Red Sox repose alors sur leurs lanceurs. Heureusement, en plus de l’éclosion de Babe Ruth, Boston compte quelques uns des meilleurs artilleurs de l’époque : Dutch Leonard (139-113, 2.76 et deux no-hitter en 1916 et 1918), Sad Sam Jones (229-217, 3.84, un no-hitter en 1923), Vean Gregg (92-63, 2.70) et Rube Foster (58-33, 2.36, un no-hitter en 1916). A cette liste déjà impressionnante, il faut rajouter trois noms aux glorieux CV et qui ont marqué l’histoire de la MLB : Carl Mays, Ernie Shore et Herb Pennock.
 
Carl Mays (207-126, 2.92) n’est pas seulement connu pour être l’un des meilleurs lanceurs de cette époque mais aussi pour avoir « tué » Ray Chapman en 1920. Chapman est l’unique joueur mort en match dans les Ligues Majeures quand Mays lui lance une balle dans la tête alors qu’il joue pour les Yankees. Malheureusement pour lui, ce drame, une présomption de fraude jamais prouvée lors des World Series 1921 et une personnalité agressive l’ont empêché d’accéder au Hall of Fame malgré une carrière sportive qui aurait dû l’y conduire. Même ces coéquipiers le détestaient.
 
 
Ocean Eleven
 
Ernie Shore (65-43, 2.47) affiche également de belles statistiques mais son nom a survécu jusqu’à nous pour un quasi perfect game scoré en un no-hitter combiné avec Babe Ruth. Le match se déroule en 1917 et The Babe est le lanceur partant. Le premier batteur adverse obtient un but sur balles. Babe Ruth est furieux et s’explique avec l’arbitre qui l’expulse. Ernie Shore prend donc la relève et sort un match parfait mais seulement sur 26 batteurs, l’empêchant d’être inscrit dans la rubrique des perfect games. Ernie Shore sera vendu aux Yankees en même temps que Babe Ruth. A l’instar de Carl Mays ou Harry Hooper, le propriétaire honni des Red Sox, Harry Frazee, promoteur de pièces de théâtre, vendit 16 joueurs aux New York Yankees entre 1918 et 1923 pour rembourser des emprunts et assurer la tenue de ses spectacles. Comme l’écrit l’auteur Bill Bryson dans son livre sur l’année 1927 « L’été où tout arriva », toute l’équipe des Red Sox avait finalement déménagé à New York en 1923.
 
Un autre transfuge des Red Sox aux Yankees, Herb Pennock (240-162, 3.60). S’il n’a lancé ni un match parfait ni no-hitter dans sa carrière, il a permis aux Red Sox puis aux Yankees de dominer leur sujet. Il fut si important qu’il assura deux victoires et un sauvetage aux Yankees pour les aider à remporter leurs premières séries mondiales en 1923. Il participera activement à la réussite des Yankees de 1927 (avec le Murderers’ row) et de 1932, deux des meilleures équipes de l’histoire de la MLB. Des performances qui lui ouvriront les portes du Hall of Fame. Mais en 1916, c’est encore un jeune talent à polir, dans l’ombre de Babe Ruth.
 
La saison 1916 des Red Sox ne fut pas de tout repos, bataillant avec les Detroit Tigers de Ty Cobb mais surtout les talentueux Chicago White Sox des Hall of Famers Eddie Collins, Ed Walsh et Ray Schalk et quelques uns des joueurs qui allaient défrayer la chronique avec le scandale des Black Sox en 1919 : le légendaire Shoeless Joe Jackson, Eddie Cicotte, Lefty Williams, Buck Weaver, Fred McMullin et Happy Felsch. Au bout des 154 matchs de la saison régulière, les Red Sox finissent premiers du championnat de la Ligue Américaine avec 91 victoires pour 63 défaites, laissant les Sox de Windy City à deux matchs, et gagnent le droit d’affronter le champion de la Ligue Nationale, les Brooklyn Robins.
 
Aujourd’hui, les Robins s’appellent Dodgers et représentent la ville de Los Angeles. En 1916, il s’agit de l’équipe de Brooklyn fondée en 1883 et le nom Robins est seulement leur 9ème nom depuis la création du club. Il faut attendre 1932 pour que le nom de Dodgers soit adopté par la franchise. Les Robins n’avaient plus gagné la National League depuis 1900 et connaissent donc leurs premières World Series. Ils finissent la saison avec un meilleur bilan que les Red Sox (94-60) mais dans un championnat moins homogène que l’American League.
 
Brooklyn s’avance en séries mondiales avec quelques arguments à la batte : Casey Stengel, futur manager mythique des Yankees, Zack Wheat, qui entrera au Temple de la Renommée avec une moyenne en carrière de .317, et Jake Daubert qui finira aussi avec une moyenne au-delà des .300 mais ratera le Hall of Fame pour son rôle de « syndicaliste » des joueurs professionnels qui déplut fortement aux instances du baseball organisé. Ils ne sont pas en reste au niveau du monticule avec notamment Rube Marquard, qui lança lui aussi un no-hitter, en 1915 et rejoindra le Temple de la Renommée en 1971, bien que les sabermetrics critiqueront sa place parmi les légendes du baseball. D’ailleurs, Bill James, le père des sabermetrics, considèrera Marquard comme le pire lanceur partant du Hall of Fame.

Duel marathon à Boston

Les Red Sox accueillent les deux premiers matchs des World’s Series, comme on les nomme à l’époque, au Braves Field et non à Fenway. Comme en 1915, Ernie Shore lance pour la victoire dans le premier match face à Rube Marquard et Carl Mays ferme la porte avec un sauvetage pour assurer la victoire 6 à 5 aux Red Sox. Deux jours après, c’est au tour du jeune Babe Ruth d’entrer en scène face à Sherry Smith. Les deux lanceurs vont alors se livrer un duel mémorable sur 14 manches.
 
Le premier à céder est Babe Ruth qui laisse filer un point sur un inside-the-park home run de Hy Myers. Ce sera le seul point qu’il accordera puisqu’il sera intraitable sur les 13 manches suivantes. Sherry Smith voit Boston égaliser sur un point produit par Le Babe lui-même. Puis il devient intraitable jusqu’à la 14ème manche où Del Gainer entre en pinch-hitter et frappe un simple décisif pour donner la victoire à Boston. Au total, Babe Ruth accordera 6 coups sûrs aux Robins, Sherry Smith 7 aux BoSox. Un de trop.
 
Pour mesurer la performance des deux lanceurs, il faudra attendre 2005 pour voir un match des World Series parvenir à la 14ème manche lors du match 3 des séries mondiales entre les White Sox et les Astros. Exploit répété une troisième fois lors du match 1 entre les Royals et les Mets en 2015. Et, comme un beau clin d’oeil de l’Histoire, c’est le match 3 de ces World Series 2018 qui établit désormais un nouveau record avec 18 manches. Les deux franchises ont donc battu leur propre record. En revanche, aucun autre lanceur ne rééditera cette performance en World Series ou dans un match de postseason, Ruth établissant un record qui ne sera probablement jamais battu (Smith lui ne lança que 13.1 manches).
 
 
le Babe, joueur d’un autre monde
 
Aujourd’hui, cela nous semble juste irréel. En 2014, les matchs complets représentaient 2,4 % des rencontres de la MLB. Ce taux était de 87,6 % en 1904 et de 55 % en 1914. Au sortir de la seconde guerre mondiale, ce taux tombe à 45 % et ne va cesser de baisser (sauf dans les années 70) jusqu’à aujourd’hui, pour diverses raisons comme la prévention des risques de blessures, les lanceurs devenant de très de gros investissements financiers, et la spécialisation des postes en relève pour rendre l’équipe plus performante, en particulier l’apparition du closer.
 
Cy Young, lanceur génial qui donna son nom au trophée du meilleur lanceur MLB de la saison régulière, a lancé un record de 749 complete games entre 1890 et 1911. Les 20 premiers de cette liste sont tous des joueurs de la Dead Ball Era (avant 1920). Le premier issu de la Live Ball Era est le Hall of Famer Walter Spahn, grand lanceur des Braves entre 1942 et 1964 avec 382 complete games, le situant à la 21ème place.
 
Quand on parle de match complet, on parle de neuf manches lancées. Mais en 1916, un lanceur qui débutait un match devait le finir, même au-delà des neufs manches. Un lanceur sortait du match avant de le compléter uniquement sur blessure, suite à une expulsion ou s’il était vraiment mauvais. Cette logique sportive conduisait certains lanceurs a dépassé les neuf manches. En 1920, Leon Cadore des Brooklyn Robins et Joe Oeschger des Boston Braves établirent le record avec 26 manches lancées chacun. Qui gagna ce duel marathon de lanceurs ? Aucun des deux. La nuit força à un match nul. Le score final fut seulement de 1 à 1 avec des points scorés en 5ème et 6ème manche, soit aucun point dans les 20 manches suivantes, l’équivalent de deux shutouts games en un seul match.
 
Rube Marquard, cité plus haut, lança 21 manches exceptionnelles en 1914 pour une victoire 3-1 des Giants contre Pittsburgh. Avant lui, Joe Harris des Red Sox et Jack Coombs des A’s lancèrent 24 manches en 1904 pour une défaite 4-1 de Boston. La Dead Ball Era se caractérisant par peu de points marqués, il n’est pas étonnant de voir des scores si maigres malgré tant de manches lancées. Avec la Live Ball Era, ce type d’exploits se fit plus rare. Le dernier lanceur à atteindre les 16 manches lancées dans un match fut Gaylord Perry sous le maillot des San Francisco Giant pour un shutout et une victoire 1-0 contre Cincinnati.
 
Un record historique et qui tient toujours 
 
 
Depuis 1990, aucun lanceur n’a atteint les 11 manches lancées dans une rencontre mais quelques uns ont atteint la marque des 10 manches. Depuis 2000, quatre lanceurs ont lancé ces 10 manches : Roy Halladay en 2003 (shutout) et 2007, Mark Mulder en 2005, Aaron Harang en 2007 et Cliff Lee en 2012. Dans ce dernier cas, il lance un shutout sur 10 manches mais son équipe les Phillies s’inclineront 1 à 0 face aux Giants en 11 manches.
 
La performance de Babe Ruth est donc celle d’une époque mythique, d’un baseball aussi dur que les balles et les caractères de la Dead Ball Era, loin du baseball business et ultra-sophistiqué de notre siècle. C’est aussi une pierre de plus qui a bâti sa légende. D’autant plus que ses prouesses sur le match 2 participent à la victoire des Red Sox 4 matchs à 1 face aux Robins, raflant ainsi leurs quatrièmes World Series, 102 ans avant leur 9ème titre. Et l’avant-dernière victoire finale avant la malédiction du Bambino. Mais ça, c’est une autre histoire…

 

 

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