Le Mystère John Donaldson
En 2011 a été découvert un film amateur de 16 mm où apparaît un lanceur gaucher. Le terrain ressemble à un terrain vague. Cela se passe à Fergur Falls dans le Minnesota…la scène a été filmée lors d’un match en 1925, et c’est plus exactement un massacre, tant la vitesse de balle semble mettre hors jeu tous les frappeurs. Ce film dure exactement 39 secondes. C’est Peter Gorton, un historien des negro league qui a retrouvé ce trésor. Peter Gorton a montré ce film à des anciens scouts de Major League qui ont conclu à "ce type sur le monticule, c’est Bob Gibson en Gaucher" !
Mais qui est ce prodige ? il se nomme John Wesley Donaldson, peut être le plus grand lanceur de l’histoire du baseball, en tout cas certainement le plus inconnu.Le mystère John Donaldson vient justement du fait qu’il est parfaitement inconnu. Officiellement, si on s’en tient au site des plus sérieux baseball reference, John Donaldson serait un obscur lanceur des negro leagues, avec une fiche de 23 victoires pour 25 défaites en 7 saisons entre 1916 et 1921. Mais certains fans ont creusé, beaucoup creusé, dont ce fameux Peter Gorton.
A l’origine de cette entreprise, un journal sportif le "Pittsburgh Courier" avait en 1952 listé les plus grands joueurs noirs de l’histoire et, de manière surprenante, Josh Donaldson apparaissait dans cette liste trés serrée, à coté des Jackie Robinson, Josh Gibson, et autres Satchel Paige.
Voila la liste en question de la "première équipe", : First team: (1B) Buck Leonard, (2B) Jackie Robinson, (SS) Pop Lloyd, (3B) Olivier Marcelle, (OF) Monte Irvin, (OF) Oscar Charleston, (OF) Cristobel Torriente, (C) Josh Gibson, (C) Biz Mackey, (P) Joe Williams, (P) Satchel Paige, (P) Bullet Rogan, (P) John Donaldson, (P) Bill Foster, (Utility) Martin Dihigo, (Utility) Sam Bankhead, (Mgr) Rube Foster, (Coach) Dizzy Dismukes, (Coach) Danny McClellan.
Avec cette équipe, vous pouvez normalement battre n’importe qui dans l’histoire du baseball. Mais que faisait donc Donaldson parmi eux si il n’était pas un joueur incroyable ?
C’est ce qui a convaincu Peter Gorton qu’on ne savait pas tout sur ce joueur. Le dépouillage des archives et surtout la lecture des journaux locaux de l’époque a peu à peu mis en évidence que John Donaldson avait lancé en réalité pendant plus de 30 ans et ce dans toutes les ligues semi-professionnelles possibles entre 1908 et 1940. Ses statistiques sont donc incomplètes bien entendu, et le seront à jamais, mais il se dégage de ce qui a été retrouvé une autre vérité : Donaldson était un tueur sur le monticule.
Il aurait lancé dans plus de 667 matchs, et aurait gagné au moins 400 matchs, et réalisé plus de 5000 strike outs….. ces chiffres ne sont pas délirants et ils sont simplement le résultat d’un long travail : 20 ans de recherche lancés par Peter Gorton et sa "John Donaldson Network", un groupe de recherche qui a pour ambition de restaurer la mémoire et les exploits sportifs de ce prodige du Minnesota.
On retrouve ses débuts au sein des Missouri Black Tigers, une équipe noire de Glasgow au Missouri en 1908, puis il va jouer au sein des Tennessee Rats, une équipe itinérante ; C’est à cette époque que Donaldson va devenir un lanceur d’élite : il signe une fiche de 44-3 en une saison (!), ou sa plus belle performance est certainement un complete game de 18 manches avec pas moins de 27 strike outs. Il devient une célébrité locale tel qu’il va signer dans les premières équipes professionnelles des negro leagues, et notamment de la "All nations Team" dans l’Iowa : il y joue pour la somme de 150 dollars mensuel dans cette équipe qui rassemble toutes les nations du globe, en tout cas toutes celles qui ne sont pas blanches ! : cubains, noirs, même japonais (et oui rappelez vous c’est la même équipe qui a eu en son sein Goro Mikami), entre 1912 et 1917, il va sillonner toutes les routes des Etats Unis et multiplier les matchs.
La All Nations Team : il est 3eme à partir de la gauche
La "All nations team" est ainsi une équipe itinérante qui joue contre les équipes qui veulent bien les accueillir sur la route. Nous sommes en plein apartheid sportif, rappelons-le, et les joueurs de couleurs sont exclus des grandes ligues professionnelles, réservées aux blancs. La "All nation team" sillonne donc les routes en vue de faire le spectacle. Ils jouent donc contre de nombreux équipes locales, amateur ou semi-professionnelles, et certainement pas les meilleurs joueurs qui sont donc dans les ligues majeures. Mais il n’empêche que Josh Donaldson va devenir l’un des meilleurs lanceurs de ces shows itinérants.
Donaldson la vedette sera là !
Ses performances vont devenir légendaires : à Storm Lake en 1914, il lance pas moins de 22 k et réalise un one hitter.
Le 14 août 1914, 22 K
Entre 1915 et 1918, il lance pas moins de 500 K par saison….
John Donaldson est la star incontestée de la "All nations Team".
La multiplication des matchs et de ses exploits attirent l’oeil de nombreux journalistes sportifs et certains matchs joués en Californie contre des joueurs blanc montre que Donaldson est un lanceur phénomène. On le dénomme désormais "Cannonball " Donaldson
J.L. Wilkinson qui a été le propriétaire des "All nations Team" et des futurs Kansas City Monarchs dit de lui " C’était l’un des plus grands lanceurs qui ait vécu, qu’il soit noir ou blanc" ( "one of the greatest pitchers that ever lived white or black").
En 1917, les Etats Unis entrent en guerre. Et ceci a des conséquences : de nombreuses stars partent au front et il manque des joueurs pour faire le compte. On propose alors à certaines des stars noires du circuit semi-professionnel le deal suivant : ils partent à Cuba où ils auront un nouvel état civil : on les fait ainsi passer pour des joueurs cubains avec un nom hispanique pour qu’il puisse venir jouer dans les ligues majeures à leur retour.
C’est, semble t’il, John McGraw qui était à l’origine de ce plan pour faire jouer les joueurs noirs dans la ligue majeure.
Mais John Donaldson refuse l’arrangement en des termes trés clairs : " Je n’ai pas honte de ma couleur de peau. Cela aurait également signifier que je devais renoncer à ma famille : je ne devais plus visiter ma mère et ne plus entrer en contact avec des noirs de toute ma vie : j’ai refusé, que ce soit clair : je suis noir, fier de l’être et je n’irai pas à Cuba pour changer celui que je suis"
John Donaldson était un homme de principe.
"I am not ashamed of my color … It would have meant renouncing my family. One of the agreements was that I was never again to visit my mother or to have anything to do with colored people, I refused, I am clean morally and physically.
"For him to say that: I’m black, I’m proud of being a black person, I’m not gonna go to Cuba and change who I am" – Josh Donaldson
On le retrouve le 9 décembre 1917 en train de lancer pour les Los Angeles white sox en ligue pacifique d’hiver contre les San Pedro Merchants. La pacific Winter League a la particularité d’accepter les joueurs de couleur. San Pedro rassemble des joueurs de Major league qui préparent leur saison en Californie. Le lanceur de la finale est ainsi Pete Schendler, un lanceur à 20 victoires en 1917 avec les Reds de Cincinnati. John Wesley Donaldson ne tremblera pas et va lancer du feu ce soir là : 16 k plus tard, l’équipe de Los Angeles gagne les major leaguers 5-3.
Entre 1918 et 1920, lorsque les circuits du "barnstorming" ne peuvent plus fonctionner en raison des restrictions budgétaires imposées au transport par train, et Donaldson va quitter la "All nations team" pour signer tour à tour dans les équipes de la première negro league : Brooklyn Royal Giants, New York Lincoln Giants, Indianapolis ABC’s et les Detroit Stars.
Période Indianapolis ABC’s
En 1920, il retrouve son ancien patron, J.L. Wilkinson qui le fait signer au sein des Kansas City Monarchs, une équipe censée rassembler les meilleurs joueurs du circuit noir. Tel les Yankees, elle est censée devenir la grande équipe des Negro leagues. Au sein de cette armada, Donaldson joue alors champ centre durant ces quelques saisons car il sait également frapper : il frappe même cleanup à plus de .324 de moyenne et il sait tout faire en défense.
Les Kansas City Monarchs en 1920
Donaldson demeure un éternel globe trotter : il continue à jouer pour différentes équipes itinérantes qui sillonnent désormais les Etats-Unis non plus en train, mais …..en voiture. Plus de 5000 fans viennent le voir lancer dans les différentes équipes dans lesquels il joue, que ce soit celles du Dakota, du Minnesota et même au Canada, où il a un statut à part : souvent le seul joueur noir au sein d’une équipe blanche, son talent semble le mettre hors sol et le protège des haines raciales trés implantées localement. Rappelons que les années 20 sont l’époque où le Ku Klux Klan règne dans les esprits des américains et où de nombreux noirs sont lynchés. John Donaldson reste lui imperturbable et continue à sillonner l’ouest et le midwest des Etats unis afin d’engranger des salaires de super stars.
Il signe en 1924 pour l’équipe de Bertha où il touchera 325 dollars par mois. Il est toujours la "Star" et signe une fiche de 21-3 sur la saison, fume 325 batteurs en 211 manches et mène la ligue au bâton avec une moyenne de .429.
Période Bertha
John Donaldson est une star que s’arrache toutes les équipes : il joue successivement pour Melrose, Minnesota, Scobey, et même une "Colored" House of David" (?) : il revient jouer au sein des Kansas City Monarchs, aux Chicago Giants (1934-1937) et même au sein de l’équipe All Stars de Satchel Paige.
8 juin 1934, 23 K’s
Il y a bien 15 ans qui les séparent mais il est certain que Satchel Paige s’est beaucoup inspiré de Josh "Cannonball" Donaldson. C’est même Buck O’Neil qui l’affirme. Donaldson lui a montré la voie : il avait déjà tout inventé déjà lorsque arrive Paige dans le circuit :"Tous les petits trucs de Paige comme on met dehors les outfielders, on charge les bases pour pouvoir faire 3 k sur les 3 batteurs qui suivent, tout ceci, c’est pas Paige qui les a inventés ! Il les a repris à Donaldson qui le faisait depuis 30 ans avant. Donaldson a tracé la voie que Paige a suivi pour faire sa renommée".
Buck O’Neil témoigne que c’est lui qui aurait inventé le lancer slider et qu’avec la rapide qu’il avait, le résultat était terrible.
La vidéo incroyable retrouvée de 1925 montre à quel point Donaldson pouvait être dominant sur un monticule.
Il cesse de jouer vers l’âge de 48 ans et on retrouve, semble t’il, son dernier match en train de lancer contre une équipe de la House of David en 1940. Certains pensent qu’il lançait encore dans les années 50.
Bien entendu, Donaldson ne pouvait imaginer que les choses changeraient un jour.
Lorsque en 1947, Jackie Robinson brise la barrière et joue en Major League, c’est une révolution.
Profitant de cette ouverture, Donaldson deviendra un temps scout pour l’organisation des Chicago white sox. On dit même qu’il aurait travaillé pour la poste américaine un temps.
Au final, John Wesley "Cannonball" Donaldson affiche un ERA de 1.37 en carrière, plus de 400 victoires, plus de 5000 K, 86 shutouts, 13 no hitters, un match parfait, 2 matchs à 30 K, 30 matchs à plus de 20 K, et performance incroyable, John Donaldson n’était jamais relevé puisqu’il a terminé 296 matchs de ses 322 starts.
Des performances qui devraient le placer parmi les plus grands joueurs de l’histoire.
John McGraw disait de lui qu’il était l’un des lanceurs les plus incroyables qu’il ait vu jouer.
De la liste des plus grands joueurs établi par le Pittsburgh Courier de 1952, il est le seul (avec Olivier Marcelle) à ne toujours pas faire partie du Hall of Fame américain. La faute à une carrière fantastique passée sous les radars et dans des circuits semi professionnels durant plus de 30 années, carrière que souhaite désormais mettre en lumière Peter Gorton.
BHONUS : la fameuse vidéo de 1925
Tous les liens pour suivre l’entreprise donc un film documentaire "39 seconds" que Peter Gorton souhaite tourner
le groupe john donaldson network http://johndonaldson.bravehost.com/
bibliographie
https://www.mlb.com/news/the-amazing-negro-leagues-player-john-donaldson
https://baseballroundtable.com/an-historic-30-seconds-telling-the-remarkable-john-wesley-donaldson-story/