King Kelly, la première superstar people du baseball !
Il y a quelques mois, nous vous parlions de Jim Creighton, qui fut la première vraie star du baseball et qui, par son pitching rapide et ses performances sportives, avait permis au baseball de franchir une étape pour devenir le National Pastime américain. Aujourd’hui, nous allons vous parler d’un joueur qui atteint aussi le rang de gloire nationale du baseball et dont le jeu permis au jeu d’évoluer tant dans l’esprit qu’au niveau des règles. Dans un baseball professionnel naissant, il fut la première star people du baseball, voir du sport professionnel, une sorte de croisement de Beckham et de Maradona au 19ème siècle. Et son nom de scène était King Kelly.
Mike Kelly eut bien des surnoms mais celui qui resta à la postérité fut King Kelly. Et ce n’était pas usurpé tant son règne sur les terrains allait marquer l’histoire du baseball. Kelly naquit le 31 décembre 1857 à Troy, État de New York, de parents irlandais ayant fui la famine de la pomme de terre dans les années 1840. Sa vie commence comme un conte de Dickens. Son père s’engage dans l’armée de l’Union durant la guerre de Sécession, en réchappe, continue son engagement militaire mais tombe malade, meurt. Peu de temps après, sa mère meurt à son tour. Avec son grand frère, Kelly se retrouve tôt orphelin mais il reste positif. Après quelques années entre l’école et les jeux d’enfants, il trouve un travail dans une usine de charbon où il convoie les seaux remplis de cet or noir. Le travail est dur et prenant. Et quand il peut jouir d’un peu de repos, il joue à ses deux passions : le baseball et le théâtre. Pour le baseball, il est rejoint par l’un de ses meilleurs amis, Jim McCormick.
Quand son père dut quitter l’armée, la famille déménagea à Paterson dont la région compte de nombreuses équipes de baseball amateur. Nous sommes en 1873 et Kelly a 15 ans. Il rejoint le meilleur club de Paterson dont le capitaine est Blondie Purcell, futur joueur de la National League de 1879 à 1890. Un autre futur joueur des Big Leagues fait partie du club. Il s’agit de son meilleur ami Jim McCormick qui jouera dans les ligues majeures de 1878 à 1887. Un autre enfant de Paterson et futur Big Leaguer est dans l’équipe, Edward Sylvester Nolan dit « The Only Nolan ». Jouer au baseball les sort de leur pénible travail à l’usine. Les années passant, leur équipe, les Keystones, dominent les compétitions locales et Kelly s’affirme comme le receveur titulaire dès 1876 tandis qu’il forme une batterie avec McCormick.
The King
Pourtant, en 1877, Kelly pense à quitter le baseball. Ce dernier est professionnel depuis peu (la première équipe complètement pro est celle des Red Stockings de Cincinnati en 1869) et faire une carrière en son sein est plutôt hasardeux. Mais trop amoureux de ce jeu, Kelly persiste jusqu’à être signé par une équipe des ligues mineures, les Buckeyes de Columbus (Ohio), son premier contrat pro. Mais à la fin de la saison 1877, l’équipe ne fait pas d’argent et est dissoute. Néanmoins, malgré une moyenne de frappe de .156, le talent de Kelly ne passe pas inaperçu et les Red Stockings lui propose un contrat pour la saison suivante. Mais il joue les premières années comme champ extérieur ou receveur suppléant, bloqué dans le poste par Deacon White, receveur talentueux élu au Hall of Fame en 2013.
En 1879, il frappe pour .348, fait partie du top 5 de la NL dans les autres stats offensives et il est reconnu pour son intelligence du jeu. Ce qui sauta aux yeux du grand « Cap » Anson, capitaine des Chicago White Stockings, la première superstar de l’ère professionnelle. Lors d’un match entre les Red et White Stockings, Kelly frappe un double. Arrivé en deuxième base, le joueur de Chicago « tague » Kelly mais l’arbitre, qui à cette époque officie seul, considère Kelly sauf ce qui entraîne un échange vigoureux d’arguments entre les joueurs de Chicago et l’arbitre aux abords de la deuxième base. Sauf que le « Blue » n’a pas appelé de « time » ni les joueurs d’ailleurs. Kelly en profite alors pour voler le marbre tout simplement. À la fin de la saison, le club de Cincinnati perd 10.000 dollars et ils ne se font pas prier pour libérer tous les joueurs qu’ils ne peuvent de toute manière pas payer. Kelly est libre et Chicago va en profiter.
À l’automne, Kelly et d’autres Big Leaguers font une tournée en Californie. Parmi les joueurs, on retrouve Blondie Purcell mais surtout Cap Anson qui va pouvoir à nouveau se faire une idée sur ce jeune joueur. Et cela confirme ce qu’il a vu en championnat. Kelly va être très performant sur le terrain sans compter que sa nature enjouée et son jeu grisant sur le terrain font de lui le chouchou du public. Naturellement, Anson demande à Kelly de le rejoindre chez les White Stockings.
Kelly est si emballé de jouer dans la plus grande équipe du moment et de jouer avec un joueur de la trempe de Cap Anson qu’il ne négocie même pas son salaire. Il rejoint l’équipe le 1er avril 1880 et Cap Anson lui demande d’entrée de perdre quelques kilos. Il faut dire que Kelly est un bon vivant comme beaucoup de joueurs à l’époque. Il aime boire, beaucoup, faire la tournée des pubs -et les payer à ses amis- autant qu’aller au théâtre. Dès son arrivée à Chicago, il s’achète une maison mais va finalement vivre au Palmer House, célèbre hôtel de luxe de la ville. Comme le dira plus tard Anson dans son autobiographie, Kelly était un général sur le terrain, un homme apprécié par tous avec un seul ennemi : lui-même. Ceci n’empêche pas les White Stockings d’être la plus redoutable des équipes avec à la barre comme le grand A.G. Spalding qui y sera joueur, puis manager et enfin propriétaire. À cette époque, Chicago a ravi à New York le titre de première ville du baseball. Mais là encore, Kelly va devenir receveur suppléant derrière Silver Flint. Il va devoir attendre 1883 pour obtenir le poste titulaire de receveur et va donc surtout évoluer en champ extérieur.
White Stockings 1885
Kelly va jouer sept saisons à Chicago de 1880 à 1886 et exceller sur les terrains. Il fait régulièrement parti des meilleurs joueurs offensifs de la National League. Il remporte même le titre de meilleur frappeur en 1884 et 1886. Il mène également la ligue trois fois au niveau des doubles et des points scorés. Ce dernier s’explique par sa vitesse qui lui permet de voler un grand nombre de bases. Si le vol de base n’est comptabilisé qu’à partir de 1887, on estime que Kelly volait environ une cinquantaine de bases voir plus en moyenne par saison avec un record de 84 bases volées en 1887. Défensivement, Kelly va aussi asseoir la domination des White Stockings en éliminant de nombreux joueurs sur base. Kelly y remporte finalement cinq titres de National League de 1880 à 1882 puis en 1885 et 1886.
C’est à Chicago que Kelly va populariser son jeu typique : une intelligence de jeu à base d’observation, de prises de décision rapides et de ruses voir de filouterie. Que ce soit comme receveur, joueur de champ, coach ou coureur, Kelly savait jouer avec l’arbitre et l’adversaire. Comme dit précédemment, à cette époque, les arbitres officient seuls et ils ont donc plus de mal à voir toutes les actions de jeu notamment sur base ou en champ extérieur. Ainsi, il n’hésite pas à emporter avec lui une balle quand il joue en outfield afin de la sortir au cas où la balle passe la clôture et de faire croire au retrait ou transformer un homerun ou un double en simple. Il profitait que le regard de l’arbitre soit occupé ailleurs pour faire des jeux et obtenir satisfaction comme en 1881 contre Boston où il court quelques mètres à l’intérieur du champ intérieur vers la troisième base pour marquer le point gagnant tandis que l’arbitre regarde ailleurs. Il n’hésitait pas non plus à déstabiliser les défenseurs adverses comme receveur ou coach par les actes ou les mots.
Pour Anson, c’était un génie. Pour ses adversaires, un démon. Lors d’une série décisive pour le titre NL 1882 pour Chicago contre les Providence Grays, le manager de ces derniers Harry Wright pesta contre les ruses infernales de Kelly, « the Kelly’s infernal tricks ». Et à raison car Chicago remporta les trois matchs sur des scores très serrés et grâce à des jeux pas toujours honnêtes comme quand Kelly, éliminé en deuxième base sur un double-jeu facile, poussa le bras de l’arrêt-court pour faire échouer avec succès le double jeu ce qui permis ensuite la victoire de Chicago. En 1884, Chicago joue contre Détroit. Le match est serré. Kelly arrive en 3ème base, son coéquipier Ned Williamson en deuxième. Kelly simule une blessure pour que Williamson puisse venir le voir. Il lui indique alors qu’il va charger le marbre sur le prochain lancer et lui demande de le suivre. Les joueurs de Détroit ne s’attendent pas à ça et sont surpris de voir Kelly en si bonne forme et ne lance la balle que quand Kelly est proche du marbre. Le receveur récupère quand même la balle et s’apprête à toucher Kelly quand ce dernier écarte les jambes pour laisser Williamson glisser entre, contourner le receveur surpris et marquer le point. À cette époque, le coureur qui passe son coéquipier sur les bases n’est pas retiré et le point est donc valable.
Ned Williamson, qui se blessa lors du premier match officiel de baseball en France en 1889
Mais Kelly n’était pas en soi un tricheur et il n’eut jamais cette réputation. Il profitait simplement des failles du système et des grandes libertés qu’autorisaient les règles à l’époque. Et on l’aimait pour ça. Et surtout, c’était un joueur innovant. Il fut l’un des premiers receveurs à utiliser un gant et une protection pour la poitrine. Il sublima l’art du hit-and-run, l’amorti, en variant son utilisation pour toujours surprendre la défense ou passer le champ intérieur. Il inventa surtout le hook slide, appelé alors Chicago slide, soit le fait de glisser sur une base sur le côté tout en accrochant la base pour éviter d’être touché par le défenseur. Une technique devenue banale de nos jours, notamment en MLB.
En 1885, son ami Jim McCormick le rejoint chez les White Stockings. Chicago retrouve la première place en remportant la National League aux dépens des New York Giants. Mais en coulisses, Spalding et Anson s’inquiètent de l’hygiène de vie de certains joueurs dont des piliers de l’équipe comme Williamson, Flint et Kelly. Ce sont de gros buveurs voir des alcooliques tandis qu’Anson et Spalding sont du genre disciplinés. Et depuis que Kelly est à Chicago, Anson et Spalding s’évertuent à le garder en forme. Déjà, ils savaient que le pire ennemi des White Stockings en 1885, c’était le vie nocturne de Chicago dont certains joueurs se délectent. Pour garder l’équipe au top, ils savent qu’ils doivent surveiller les joueurs.
D’ailleurs, durant l’été 1886, Spalding charge des détectives de suivre les joueurs pour vérifier leur sobriété. S’ils sont pris pour consommation excessive d’alcool, 25 dollars d’amendes. Certains joueurs ont même une retenue de 250 dollars sur leur salaire qu’ils peuvent récupérer en restant sobre. Kelly fait parti des joueurs visés comme son ami McCormick. Mais payé 2000 dollars pour la saison et touchant des revenus d’autres activités commerciales, ce n’est pas suffisant pour empêcher Kelly de boire… avec excès. Tout ceci n’empêche pas, une nouvelle fois, Chicago Kelly et Chicago de briller. Ils remportent la National League et Kelly connaît une autre saison exceptionnelle. En cette saison 1886, il est devenu la plus grande star de la ligue. Les fans et les médias le surnomment King Kelly ou The Only. Il va même avec son équipe victorieuse à Washington rencontrer le président Grover Cleveland. Et pourtant…
Deux légendes de la Dead Ball Era, "Cap" Anson et "King" Kelly
Depuis 1885, les White Stockings jouaient une sorte de pré-World Series contre le champion de l’American Association, à l’époque les Saint Louis Browns. Une entente entre les deux équipes avec un prix financier pour le gagnant. Malgré la faiblesse de la série en 1885, les deux équipes, à nouveau championnes, décident de retenter le coup. Or, Chicago va finir par perdre la série sur une erreur de son lanceur remplaçant John Clarkson qui remplaçait Jim McCormick, atteint de « rhumatisme ». Or, à cause d’un lancer fou que ne peut rattraper Kelly, Curt Welch de Saint Louis slide au marbre et marque le point victorieux. Plus que la victoire, Saint Louis empoche les 15,000 dollars de recette de la série d’où le nom de 15,000 dollars slide pour cette action. Après ce désastre, Spalding et Anson décide de faire le ménage. Les « rhumatismes » de McCormick devant être dus à une absorption d’alcool trop importante, le ménage concerne les buveurs de l’équipe. C’est ainsi que Spalding va vendre sa star Kelly.
Le contrat de Kelly est vendu 10,000 dollars aux Boston Beaneaters. Un record. En plus de s’acheter les services d’un très grand joueur, ils espèrent attirer la forte communauté irlandaise de la région. Cette somme record accroît encore la célébrité de King Kelly. Un nouveau surnom lui est donné : 10,000 dollars beauty, la beauté à 10,000 dollars, en référence à la comédienne Louise Montague qui gagna un concours de beauté en 1881 pour le titre de plus belle femme d’Amérique avec 10,000 dollars à la clé. Kelly touche 5,000 dollars de salaire par saison, une somme incroyable et possible grâce à un montage astucieux, très répandu de nos jours. En effet, la National League prévoit un salaire maximal de 2,000 dollars. Pour contourner le problème, Boston verse à Kelly 3,000 dollars au titre du droit à utiliser son image. De l’argent que Kelly aime à consommer autant que de l’alcool dans les saloons, les jeux de cartes et les courses.
Une image vendeuse. Kelly remplissait les stades. 10000 personnes se présentèrent au stade les premiers matchs. Les jeunes fans des Beaneaters le poursuivaient dans toute la ville voulant lui faire signer un autographe. S’il n’est pas le premier à signer des autographes, il a grandement contribué à populariser la pratique. Devenu le spécialiste du slide, son nom servait à vendre des traîneaux ou de la cire pour chaussures. Des dessins ou peintures de lui glissant étaient vendus et remplissaient les pubs irlandais. En 1889, une chanson à sa gloire est composée par John Kelly (aucun lien de parenté) pour la star du vaudeville Maggie Cline, intitulée « Slide Kelly Slide ». Un succès qui va devenir le premier tube « pop » de l’histoire de la musique en 1892 quand la chanson sera enregistrée et reproduite grâce aux évolutions des techniques d’enregistrement. Elle inspirera plus tard un film de 1927 de la Métro-Goldwyn-Mayer.
C’est donc durant cette première année chez les Beaneaters que Kelly réalise son record de vol de bases. Le Boston Globe lui remet en fin de saison une médaille d’or pour le titre de champion du vol de bases du Boston Base Ball Club, médaille qui finira plus tard au Hall of Fame. Kelly frappe toujours autant (.322 cette saison là), score toujours autant et continue à faire des jeux rusés comme le fait d’enlever son masque de receveur avant une charge au marbre, masque qui se retrouve négligemment entre le coureur et le marbre, empêchant le premier de toucher le second. Mais c’est après le championnat que la vie de Kelly va prendre une nouvelle tournure. Car l’amateur de théâtre va désormais faire partie d’un autre show.
Un show qui se déroule sur scène. Sur les planches, Kelly va jouer son premier rôle au théâtre en tant que professionnel dans une pièce intitulé « A rag baby ». Après avoir dit sa première phrase, il reçoit une minute d’applaudissements. La pièce est un succès. Au succès théâtrale, il y rajoute le succès littéraire en écrivant avec un « ghostwriter » son autobiographie « Play Ball : stories from the ball field ». Il sort en 1888 et est vendu 25 cents. Mais c’est surtout la première autobiographie d’un joueur de baseball et l’une des premières d’un sportif professionnel. Là encore, Kelly innove.
1888 marque aussi l’arrivée de son ancien coéquipier des White Stockings, le lanceur John Clarkson pour la même somme de 10,0000 dollars. Tous les deux sont désormais la 20,000 dollars battery, la batterie à 20,000 dollars. Kelly continue de frapper à plus de .300 et d’engranger les points scorés et les bases volées mais il commet également 77 erreurs en 74 matchs pour 55 balles passées, ce qui n’entache pas son statut. Pour preuve, Spalding souhaite qu’il fasse partie de sa tournée promotionnelle, le Spalding World Tour, qui passera notamment en France. Après avoir donné son accord, Kelly décline finalement au dernier moment prétextant avoir des intérêts qui le retenaient en Amérique. À moins que partir avec Spalding et Anson, les empêcheurs de boire en rond, ne l’ait effrayé.
Boston Beaneaters 1889
La saison suivante, les Beaneaters passent à une rencontre de remporter le fanion de la National League. Si Kelly a sorti une très bonne saison, son alcoolisme commence à handicaper son jeu et son équipe. Dans les tous derniers matchs décisifs, il manque un match à cause de ses problèmes d’alcool. Le match qui aurait pu donné le titre à Boston. Mais s’il ne resigne pas à Boston pour 1890, ce n’est pas à cause de son alcoolisme mais parce que certains joueurs décident de s’émanciper des propriétaires de franchises pour créer leur propre ligue majeure, la Players League. Kelly s’y embarque comme plus de 100 joueurs de la National League et de l’American Association, devenant le manager-joueur des Reds de Boston. L’équipe brille sur le terrain -ils remporteront d’ailleurs le championnat, mais Kelly n’est pas un bon gestionnaire des comptes.
C’est d’ailleurs le cas de toutes les équipes qui perdent de l’argent. Spalding le sait et rencontre Kelly alors que les Reds vont jouer une série de matchs à Chicago. Il propose à la star 10,000 dollars pour revenir jouer aux Beaneaters. Il espère sûrement finir de torpiller la jeune Players League. Kelly lui demande un peu de temps pour réfléchir mais va refuser l’offre, solidaires avec ses gars. Spalding n’insiste pas. Kelly va quand même lui emprunter 500 dollars. Il faut bien remplir la marmite. Cependant, la Players League met fin à ses activités à la fin de la saison. Et ni Chicago ni Boston ne souhaite récupérer Kelly.
En revanche, l’équipe des Reds de Cincinnati évoluant dans l’American Association (et qui partage le même nom que l’équipe de la National League) lui offre un poste de manager-joueur dans leur équipe pour 1891, espérant que l’aura de la star rejaillisse sur le club, surnommé alors les Kelly’s Killers. Mais l’expérience s’avère décevante et quand l’équipe déménage à Milwaukee, Kelly préfère retourner à Boston. Il rejoint pour quatre rencontres les Boston Reds qui ont migré dans l’American Association mais finit la saison avec les Beaneaters qui lui ont fait une meilleure offre. Il joue peu mais remporte son septième titre de champion. C’est cependant le début de la fin de sa carrière.
En 1892, il ne frappe que pour .189, n’a plus de force ni de vitesse. Les Beaneaters gagnent le championnat mais sans faire jouer Kelly. C’est donc avec logique qu’il décide de se tourner vers le théâtre uniquement en 1893. Il passe l’intersaison à jouer des pièces de vaudeville. Mais le baseball le rattrape et il finit par accepter l’offre des New York Giants. Il ne jouera que 20 matchs pour une moyenne de frappe correcte de .269 mais à 35 ans et buvant toujours autant, il n’est plus le King Kelly, malgré les bains turcs recommandés chaque matin pour nettoyer son corps des beuveries nocturnes. Il joue finalement son dernier match dans les Big Leagues le 2 septembre 1893. Il entre comme remplaçant dans un match que les Giants mènent 15-3, frappe un simple, marque un point et quitte le baseball majeur avec une moyenne de frappe de .308, 1813 coups sûrs frappés, 1357 points scorés, 950 points produits et 69 homeruns.
Après la saison, Kelly devient père. Il s’est marié en 1881 avec sa petite amie de Paterson, Agnès et cette dernière, devenue mère, décide de rentrer à Paterson (certaines sources rapportent que l’enfant meurt peu après l’accouchement). Kelly lui continue sa carrière de comédien de vaudeville, part en tournée, se produit à New York et récite parfois le poème à la mode, le célèbre « Casey at the bat », dont certains pensent qu’il fut le modèle. Là encore, le baseball le rattrape. Un vieil ami, Albert Johnson, manager et capitaine d’une équipe de ligue mineure à Allentown, le signe. L’équipe, qui joue en Pennsylvania State League, est dissoute et Johnson envoie Kelly et quelques autres joueurs dans une autre équipe à Yonkers dans l’État de New York. Kelly y joue 15 matchs, frappe pour .375 mais pour le première fois est égratigné par la presse qui le trouve trop vieillissant. Yonkers le réserve pour la saison 1895 mais il sait que sa carrière est derrière. Il doit subvenir aux besoins de sa famille et il veut continuer à vivre sa vie de jouisseur. C’est par le théâtre qu’il continuera à briller. Et, effectivement, il connaît le succès. C’est un acteur né.
Le 4 novembre 1895, il prend le bateau de New York à Boston. Le navire est pris dans une tempête de neige. Selon quelques témoins, il donne son pardessus à un homme frigorifié sur le pont. Vrai ou non, Kelly attrape froid. Arrivé à Boston, son état s’aggrave. C’est un pneumonie. Le médecin décide alors de l’hospitaliser. Sa femme est prévenue. Elle arrivera trop tard. Mike « King » Kelly meurt le 8 novembre. Sa mort fait les gros titres. Environ 7000 personnes participent à ses funérailles à Boston. C’est une gloire nationale qui s’est éteint.
King Kelly a su populariser le baseball comme personne alors que celui-ci entré dans l’ère du professionnalisme, une ère hasardeuse qui avait besoin de héros pour avancer, se construire et durer. Il fut un grand joueur. Il fut un innovateur. Il fut un précurseur. Il fut un joueur qui donnait du plaisir. Et c’est pourquoi il fait désormais parti, depuis 1945, du National Baseball Hall of Fame.
Il mena aussi sa vie comme il l’entendais. Il aimait vivre malgré les tragédies. Il aimait boire. Il était fidèle en amitié tout en étant libre de ses choix. Il aimait briller sur les terrains et sur les planches. Il fit de son nom une marque. Et son nom devint un tube, devint une légende. Les foules l’adoraient. C’était une rock star. Une star people avant l’heure. C’était le King !
bHonus
Louise Montague, la beauté à 10.000 $
Slide Kelly Slide par le Wilbur Sweatman’s Original Jazz Band, 1919
Slide Kelly Slide, le film muet de 1927
Sources :
SABR Baseball Biography Project
National Baseball Hall of Fame
« sauf l’alcool les jours de match » ça reste à voir… Il suffit de lire Jim Bouton http://www.honus.fr/ball-four. Les déplacements que ce soit en ligue Majeure ou dans les mineures sont longs, en distance et en temps et l’occasion de ( ce que vous voulez imaginer…) http://www.honus.fr/dock-ellis
Il n’y a que chez les yankees actuels qu’on est bien sage… On se rase et au lit à dix heures ! Où sont les Billy Martin, les Reggie Jackson, Munson, The Bronx is burning quoi ?! Pourtant ils jouent sous l’œil critique d’une presse new yorkaise souvent de caniveau. Je te souhaite bon courage Tanaka…
La comparaison Beckham-Maradona/Kelly est à relativiser certes car les deux footballeurs vivaient dans un sport mondialisé mais aujourd’hui Kelly serait l’équivalent d’un A-Rod (le dopage en moins même s’il était aussi un truqueur).
Malgré de grands joueurs dont Cap Anson, la popularité de Kelly était bien supérieure aux autres Big Leaguers. Et sa célébrité est allé à la fois bien au-delà du baseball, notamment dans le monde du spectacle, bien des décennies après. Comme Beckham, il a su utiliser son image pour vendre et comme Maradona, il a vécu pleinement son talent sur les terrains et sa débauche en dehors.
C’était un électron libre sur et en dehors du terrain aussi, un jouisseur quitte à s’auto-détruire. C’était un ami fidèle. On ne sait pas si c’était un coureur de jupons mais on peut le supposer. Là encore, il ressemble aux rock stars des années 70/80.
Aujourd’hui, son comportement serait normal pour un joueur de haut niveau, sauf l’alcool les jours de match.
Un portrait interessant de ce King Kelly star de la dead ball era, qui a croisé le fameux Cap Anson. mais je ne crois pas quand même que c’était une rock star et le croisement entre Beckam et Maradona : la popularité de ces deux derniers relève du surnaturel et King Kelly était peut être la première vrai vedette du baseball pro. En tout cas, félicitations pour cet article. Bientot un autre article sur cette même époque….