Weeds on Fire : un film sur le baseball, Hong Kong et l’adolescence
Depuis quelques semaines, la plateforme Netflix propose un nouveau film de baseball : Weeds on Fire. Loin des productions connues du genre, Weeds on Fire (2016) est une œuvre venue de Hong Kong et inspirée par l’histoire vraie des Sha Tin Martins.
En 1982, Leo Lu Kwong-Fai, directeur de la Kei Kok Primary School, et Donald Tsang, responsable du district de Sha Tin à Hong Kong (il en deviendra le chef du gouvernement de 2005 à 2012), décident de créer une équipe de baseball pour monter un projet en faveur des enfants de l’école, venant de milieux défavorisés. Le baseball est alors un sport quasi-exclusivement pratiqué par les enfants des délégations étrangères et dominé au niveau Little League par les japonais. C’est donc un grand risque pris par les deux hommes que d’allouer une subvention à un tel projet.
Cependant, le baseball nous réserve toujours de belles histoires. En 1983, contre toute attente, l’équipe des Sha Tin Martins va remporter la Little League locale en battant en finale une puissante équipe japonaise et devenant ainsi la première équipe de Hong Kong a gagné un championnat de baseball.
La véritable équipe des Shatin Martins de la Kei Kok Primary School de Hong Kong
Le film, dirigé par Stevefat, reprend cette histoire mais l’adapte pour en faire une fable à la fois politique et philosophique. De ce fait, les joueurs des Shatin Martins du film ne sont pas des écoliers mais des adolescents. L’adolescence des protagonistes et le baseball servent de métaphores. Le titre original, Dian Wu Bu, qui signifie « un demi-pas », renvoie aux propos du héros qui déclare que malgré les difficultés, dans la vie comme dans le baseball, ce qui importe, c’est le demi-pas. Toujours avancer, même si c’est seulement d’un demi-pas, car celui-ci peut faire la différence pour renverser la situation.
"Weeds on Fire" est une ode aux années 80, période considérée comme l’âge d’or de Hong Kong, où l’avenir offrait de belles promesses pour la ville et sa jeunesse. C’est pour cela que le film déplace l’action de 1982 à 1984, année de signature de la déclaration commune sino-britannique sur la question de Hong Kong. Ce traité prévoyait que Hong Kong garderait son économie capitaliste malgré la rétrocession au 1er juillet 1997 à la Chine. Les années 80 sont marquées dans la ville par un état d’esprit : « ne jamais abandonner ».
Or, Hong Kong n’a pas offert cet avenir dorée à la population, créant désespoir et contestation au sein de la jeunesse des années 2000/2010, symbolisées par la fameuse révolution des parapluies de 2014. Et c’est justement sur un plan de l’occupation de grandes artères de Hong Kong, jonchées de tentes du mouvement Occupy Central, que s’ouvre le film, dont l’un des objectifs assumés est de redonner ce goût de « ne jamais abandonner ».
Pour mettre en exergue cette volonté, le film alterne la gravité et les difficultés de la vie à des moments de bonheur et d’espoir. Un tourbillon de sentiments contradictoires que personnifient les joueurs adolescents des Shatin Martins, particulièrement le héros Lung et son meilleur ami, mais aussi rival, Wai (joué par Tony Wu Tsz-Tung, acteur et membre de l’équipe nationale de baseball de Hong Kong). Le premier va sortir de l’ombre de son ami pour incarner l’espoir tandis que le second, pourtant rayonnant au début, va devenir le symbole de l’abandon face aux difficultés.
C’est pourtant la victoire qui attend l’équipe à la fin, une équipe de jeunes têtes brûlées qui n’est pas sans rappeler le manga de baseball "Rookies" et ses jeunes délinquants. Le titre anglais signifie littéralement « mauvaises herbes en feu ». Le thème du sport salvateur pour des jeunes gens perdus dans la vie n’est pas une nouveauté, tout comme le thème de l’underdog team, mais le film nous fait redécouvrir ces dimensions avec le prisme du Hong Kong des années 80.
La finale se joue sur le mortemart de Hong Kong (parisian joke)
Un autre manga de baseball apparaît lui au début du film. Le héros, pour se rapprocher d’une voisine, lit le célèbre manga de Mitsuru Adachi, "Touch" (Théo ou la batte de la victoire en vf), histoire de marquer l’empreinte du baseball dès le début sur le film et d’annoncer la rivalité à venir entre les deux amis, quasiment des frères l’un pour l’autre.
Enfin, pour la petite anecdote, l’un des membres originels de la véritable équipe des Sha Tin Martins, Au Wing-Leung, est aujourd’hui le manager de l’équipe nationale féminine de baseball de Hong Kong, présente notamment à la dernière coupe du monde féminine cet été en Floride. Il apparaît, dans son propre rôle, dans un autre film hong-kongais consacré au baseball : City without Baseball (2008).
Weeds on Fire est bon film de baseball, qui propose aussi la découverte de l’histoire récente de Hong Kong tout en portant un message fort sur la vie à travers les difficultés de ses protagonistes. Finalement, existe-t-il un meilleur sport que le baseball pour porter avec brio les métaphores de la vie et de l’Histoire ?
bHonus : Trailer Weeds on Fire
Et le film en VO sur Dailymotion !
https://www.dailymotion.com/video/x59jxm0
https://www.dailymotion.com/video/x59m34i